Trop rare au cinéma, l'égérie d'Eric Rohmer est éclatante sur la scène de l'ARTicle à Paris où elle interprète "Dans la peau d'Elisa", en compagnie de Jonathan Hume. Dans ce texte émouvant de Carole Fréchette, elle exprime l'étendue d'une sensibilité qui s'accorde mal à l'image rohmérienne qu'elle continue à porter.
A l'ARTicle, petite salle feutrée où se produit
Marie Rivière, aucun espace ne sépare la comédienne
du public. Ce contact direct l'impressionne autant qu'il la
stimule. "Les timides peuvent se permettre des choses
que les autres n'osent pas", confie-t-elle, en songeant
à un conseil que lui avait donné une amie au
temps où elle faisait ses début au cinéma
chez Rohmer. "Elle m'avait dit d'être naturelle,
ce qui est sans doute la chose la plus difficile à
accomplir..."
La lumineuse interprète de La Femme de l'aviateur
et du Rayon vert y parvient avec grâce et légèreté,
prêtant sa voix au texte de la Québécoise
Carole Fréchette, Dans la peau d'Elisa. Elle
conte des histoires d'amour, simples et émouvantes,
comme si elle engageait une conversation intime avec chacun
des spectateurs. "Je suis attentive à tout
le monde parce que je me sens obligée de donner quelque
chose", affirme-t-elle spontanément. Puis
elle se reprend. "Oh non, je n'aime pas cette phrase
: trop sentimentale, trop emplie de fausse naïveté."
Hypersensible, Marie Rivière quête la perfection,
entre élans spontanés et émois intérieurs.
Grandie dans une petite cité à Montreuil, dans
la proche banlieue parisienne, elle porte cette image éternelle
de "rohmérienne", intellectuelle et torturée.
"Personne ne veux croire que je suis une "prolo"
alors que j'ai été marquée à vie
par l'humanité de la classe ouvrière. Elle s'est
battue pour nos droits et je ne l'oublie pas". Les
metteurs en scène et les réalisateurs seraient
bien inspirés d'exploiter l'énergie qu'elle
masque derrière sa longue chevelure et ses manières
de petite fille. Pour l'instant, le téléphone
ne sonne guère - on la verra bientôt dans Le
temps qui reste de François Ozon - et elle ne s'en
cache pas. "J'aimerais tant jouer sur scène
avec les autres", dit-elle avec une simplicité
si rare dans le métier. C'est pour ce plaisir-là
qu'elle a quitté le monde du travail où elle
"étouffait". Institutrice, puis vendeuse,
elle se paie l'audace d'envoyer un petit mot et une photo
à Eric Rohmer. Il la reçoit. "J'étais
très seule, je n'avais plus de confort matériel
mais il était plus rassurant pour moi d'être
dans cette incertitude". Elle continue à assumer
ce paradoxe, anxieuse et libre.
A l''ARTicle, 41, rue Volta, 75003 Paris.
Tous les vendredis jusqu'au 16 décembre 2005, à
19h30.
Tarif unique : 15 euros ; TR : 10 euros.
Réservations au 01.42.78.38.64