De 2007 à 2010, la comédienne Marie Rivière
a filmé Eric Rohmer en compagnie de quelques-uns de ses comédiens
« Il ne sagit pas vraiment dun film a proprement parler », a prévenu Marie Rivière en guise dintroduction lors dune récente avant-première, arguant que son projet tenait plus de lhumble bricolage. Et dès la première séquence, on entend Eric Rohmer la prévenir à son tour « Je ne veux pas dun documentaire rétrospectif, ça ne mintéresse pas ». Alors à quoi sattendre suite à ce double avertissement ? Et bien tous deux ont tort : En compagnie dEric Rohmer est bel et bien les deux à la fois, mais cest aussi autre chose. Et surtout cest passionnant. Alors il faut certes passer outre une forme parfois très hasardeuse (image parfois floue, lumière trop violente, fautes de frappe dans les intertitres ). Marie Rivière le sait, et revendique ce coté home-made improvisé, qui lui permet de capter ceux quelle filme sous un jour assez inédit. Car la première surprise du film, cest lomniprésence de lhumour. Marie Rivière ne se prend jamais au sérieux, se place dentrée de jeu dans la position du clown (en sincrustant par exemple dans tous les plans ou les autres parlent), mettant en scène tout ce petit monde en laissant libre cours au naturel comique de chacun. Car oui, En compagnie dEric Rohmer est hilarant, rien que ça.On peut y voir, entre autres, des scènes aussi improbables quun battle de récitation de poèmes entre Marie, Eric et Arielle Dombasle, Rohmer qui chante des chants médiévaux, Rohmer imité par Luchini En se moquant gentiment de tout le monde, le film a entre autres mérites de venir rappeler que la plupart des films de Rohmer sont avant tout (ou après tout) des comédies.
Mais
la succession de scénettes et de sketches ne se limite pas
a un long bonus dvd ou à un film de vacances. Les interventions
de chacun (certaines plus intéressantes que dautres)
dépassent très vite la simple collection danecdotes
et finissent mine de rien par nous apprendre énormément
de choses sur les méthodes de travail du réalisateur
: direction dacteur, théorie du cinéma, économie
et moyens, méthodes denseignement, etc... Les sketches
laissent peu à peu place à des questions plus sérieuses,
des extraits de conférences, et le film contient au final
énormément de clefs pour appréhender et mieux
comprendre son uvre. Tout amateur quil soit (et malgré
une ou deux longueurs), En compagnie
est une réussite
qui, suite à sa présentation cette année au
festival de La Rochelle, mériterait une vraie distribution
en salle.
Dans ses premiers films (notamment les Contes moraux) Eric Rohmer mettait en scène des héros masculins soumis à la tentation et tournés en dérision. A partir des années 80, ces derniers laissent place pour de bon à des héroïnes. Des rôles de jeunes femmes sages ou perdues, bavardes et mystérieuses, souvent confiées à des actrices inconnues, devenues fidèles au fil des années, au jeu si particulier que le terme a été inventé pour elles : les actrices rohmeriennes. Voici celles que lon croise le plus souvent chez le cinéaste.
Marie
Rivière
Cest
THE égérie. Dune part parce que cest
celle quil a le plus souvent employée, même
si elle na eu le rôle principal quune
fois, et dautre part parce que justement ce rôle
principal (Delphine dans Le Rayon vert), est lun des
personnages les plus émouvants de la galaxie Rohmer.
De film en film, Marie Rivière semble souvent reprendre
le même personnage : une jeune femme un peu triste
et dans la lune, avec de grands yeux toujours en mouvement,
parfois pétillants mais toujours au bord des larmes.
Dans La Femme de laviateur, son long monologue en
petite culotte est à la fois érotique et triste,
et dans Conte dautomne, son personnage en apparence
plus joyeux ne se départit pas, au final, dune
certaine nostalgie ambigüe. Elle est créditée
au générique du Rayon vert parce que tous
ses dialogues ont été improvisés, mais
même dans dautres films, son jeu garde souvent
la richesse de la spontanéité, moitié
murmuré moitié précipité, avec
des hésitations et des respirations en plein milieu
de phrases. Comme de nombreuses autres Rohmeriennes (Lucy
Russel, Françoise Fabian
), on la revue
par la suite chez Francois Ozon, à deux reprises
: en mère compréhensive dans Le Temps quil
reste, et en fan de bébé inquiétante
dans Le Refuge.