Elle est vraie. Simple, directe. Sans défense.C'est grâce à Eric Rohmer qu'on connaît Marie Rivière. Elle avait aimé L'Amour l'après-midi, elle le lui avait écrit. Il l'avait reçue dans les bureaux des films du Losange, avenue Pierre-Ier-de-Serbie. On n'en reparle pas avec elle, ce jour-là. Mais on se souvient de l'histoire. Il lui avait dit : "Vous êtes rouge." Et elle était devenue violette. C'était au temps de Perceval Le Gallois, avec deux jeunes acteurs qui intimidaient déjà Marie Rivière, Arielle Dombasle et Fabrice Luchini...
Depuis elle en a fait des films avec Rohmer, Marie Rivière. Et puis il y a les coups de fil et ces rencontres qu'il aime partager avec les acteurs, en dehors des périodes de tournage. Ces conversations. Récemment, elle a tourné un moyen métrage avec lui, Le Canapé rouge qui a été présenté au Festival du film de Paris au printemps dernier. Mais qui ne sortira que s'il en tourne d'autres. "Alors je lui dis : "Mais allez-y, Eric ! Il suffit de trois jours, allez !" et il ne m'en veut pas... Mais évidemment, il a un projet beaucoup plus important. Il veut tourner L'Astrée..." Et l'éclaboussant sourire de Marie Rivière, dit bien toute l'admiration qu'elle porte à ce poète. "L'Astrée ! Il le dit : "Je ne suis pas pressé", il est ainsi, Rohmer. Quelle leçon pour moi qui suis parfois impatiente..."
Pour jamais elle est Delphine, un peu rêveuse, flâneuse du Rayon vert, celle qui ramasse les cartes de son destin sur le trottoir. C'était en 1986. Il y en a eu d'autres. Conte d'automne, notamment.
Elle aussi, elle pourrait dire : "Je ne suis pas pressée", en fait. Pas avide. Pas à bousculer les autres. Disponible et pacifique, Marie Rivière. Et mobile, vive, légère. Aérienne. Il y a en elle une fraîcheur de source. Elle rit en racontant comment elle a joué La Peau d'Elisa de l'écrivain québécois Carole Fréchette. "Un ami, Gonzague Decarsin, avec qui je travaille à Viroflay, m'a fait lire ce texte, et j'y ai immédiatement adhéré. J'ai reconnu quelque chose de profond, qui me parlait. Qui me concernait." Un soir de décembre dernier, une représentation à Ville-d'Avray. Une autre, un peu plus tard au centre culturel canadien. Et pour les premiers spectateurs, la certitude qu'il faut reprendre ce spectacle aujourd'hui mis en scène par Carole Anderson et pour lequel Philippe Piazzo, journaliste alors Aden a composé un joli texte.
Les gens viennent à elle. Elle accueille. Elle irradie. Elle raconte l'histoire d'Elisa, qui est justement une histoire d'histoires qu'on raconte. Elle rit. "Justement, je ne suis pas sûre de bien raconter !" Mais si, Marie ! Il s'agit d'histoires d'amour. C'est bon pour la peau d'Elisa. C'est un bon onguent l'amour. Même celui qui ne vous concerne pas directement. Il y a des larmes, aussi. Et un jeune homme, qui parle, lui aussi. C'est Jonathan Hume qui l'interprète.
Marie Rivière, son regard de lac clair et profond, ses cheveux en fine cascade, sa silhouette impeccable et cette voix si acide et tendre en même temps. La toute petite fille en elle ne cesse d'affleurer. Mais pas une écervelée, cette femme si belle et naturelle, cet être si pur, la femme d'Un amour aux assises (Editions Bernard Barrault, 1988), la mères d'un fils de 16 ans qui a choisi cette année d'aller en pension, pour se concentrer mieux au lycée. Elle sourit. Elle a un petit pincement. Elle a des airs de grande sur. Elle a tourné avec François Ozon Le Temps qui reste. Elle joue la maman de Melvin Poupaud. Elle a beaucoup aimé ce tournage. Mais on devine bien qu'elle ne pense qu'à Elisa en ce moment. "C'est étrange mais ce sont bien les mots qui donnent consistance au personnage. Cette femme qui cherche une consolation dans des histoires d'amour, cette femme qui peut sembler un peu démunie, paumée, qu'on ne devine pas forcément complètement, elle n'a d'existence que par les mots, ce qu'elle dit et trahit de ses secrets." Elle est d'une lumineuse intelligence. Elle a de la grâce, du charme. C'est une âme poreuse au monde. Qui comprend tout intuitivement et qui analyse sans asséner de pesante leçon. Une femme rare. Une artiste. Peut-être l'une des meilleures nouvelles de cette rentée : Marie Rivière au théâtre. Vivement les vendredis rue Volta !
L'ARTicle, 41, rue Volta, 75003 Paris.
Les 16, 23, 30 septembre, les 7, 14, 21, 28 octobre ; 4, 11,
18 et 25 novembre. ; 2, 9 et 16 décembre
Tarif : 15 euros ; TR : 10 euros
Réservations au 01.42.78.38.64. ou resa@larticle.com.
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